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Cultures maraichères - Agronomie
Ferti-irrigation

La bonne gestion de l’irrigation est un des facteurs clef pour l’obtention de haut rendement avec un produit de qualité. Bien que la sur-irrigation soit peu risquée en sol très filtrant, elle est aujourd’hui peu compatible avec les exigences économiques et de respect de l’environnement. La tendance de ces dernières années est donc l’emploi de goutteurs à faible débit combiné à l’utilisation de moyens de mesures de l’humidité du sol en temps réel. Des économies d’engrais sont également envisageables en pratiquant des fumures de fond et des amendements.

- Irrigation

Les sols sableux, et particuliérement les sables éoliens tel que rencontrés dans la région de St. Louis, ont une capacité de rétention en eau très faible. Le sol doit être maintenue humide dans la zone occupée par les racines, soit dans notre exemple ci-dessous pour la tomate sous abris, 60 à 70 cm de profondeur et 100 à 120 cm de large. Si l’irrigation est insuffisante, le bulbe humide rétrécie et la forte salinité en périphérie du bulbe se retrouve dans la zone racinaire. Les radicelles peuvent être « brûlées » à leurs extrêmités. Il s’en suit un stress hydrique de la plante qui peut s’accompagner d’une réduction du développement végétatif : réduction de la surface foliaire et de la zone occupée par les racines. A l’inverse, si l’irrigation est trop abondante, une partie de l’apport en eau et en éléments fertilisant est perdu par percolation en dessous des zones exploitées par les racines. De plus il y a un risque de perte racinaire par asphyxie (manque d’oxygène dans le sol). Les racines ne peuvent plus respirer.

La conduite de l’irrigation dans ce type de sol est proche des techniques utilisées en cultures hors-sol. Les apports sont fréquents et fractionnés : ±1 mm / apport à raison de 3 à 8 apports quotidiens. Le 1er apport intervient 1 à 2 h après le levée du soleil et le dernier au moins 2 h avant le coucher du soleil, afin de suivre au plus près le besoin de la plante en eau qui évolue au cours de la journée en fonction de l’intensité lumineuse ou plus exactement du Rayonnement Global (R.G.). Les doses journalières d’irrigation sont définies à l’aide de divers moyens de mesures, comme la tensiomètrie, la détermination de l’Evapotranspiration ou l’utilisation de casiers de drainage.

La tensiométrie

Un tensiomètre est un canne remplie d’eau comprenant à une extrémité une bougie poreuse et à l’autre extrémité un manomètre gradué en mb ou cbar. Le tensiomètre est introduit dans le sol à l’aide d’une tarière de manière a placer la bougie dans la zone exploitée par les racines. De la terre et de l’eau sont versées autour de la canne afin d’assurer une parfaite liaison entre la bougie et le sol. Lorsque le sol s’achesse, une partie de l’eau sort de la canne, créant une dépression affichée par le manomètre et vis versa.

Comme le montre la figure suivante, l’irrigation peut être conduite à l’aide d’une batterie de 3 tensiomètres :
– un tensiomètre placé à 20 cm de profondeur et à 10 cm à la perpendiculaire d’un goutteur ;
Il est utilisé uniquement en début de culture lors de l’implantation du système racinaire.
– un tensiomètre placé à 40 cm de profondeur et à 15 / 20 cm à la perpendiculaire d’un goutteur ;
Il sert à déterminer les doses d’irrigation en cours de culture avec des valeurs recherchées, en sol sableux comprises entre 12 et 20 cbar. L’objectif est d’obtenir une humidité la plus constante possible tout au long du cycle. La valeur optimum dépend du type de sol et de l’écartement entre le goutteur et le tensiomètre.
– un tensiomètre placé à 60 cm de profondeur à la vertical d’un goutteur ;
Il permet de déterminer si une partie des apports d’eau ne sont pas lessivés en profondeur, en dehors de la zone exploitée par les racines, auquel cas il conviendra de diminuer les doses tout en augmentant les fréquences.

Pour une culture, il convient d’installer 3 batteries de tensiomètres, l’une à l’endroit le plus chaud ou le plus exposé aux vents dominants, l’autre à l’endroit le plus frais ou le moins exposé aux vents et la dernière pour la zone la plus représentative de la parcelle ou de la serre. Les relevés sont réalisés quotidiennement à la même heure, de préférence tôt le matin.

Tensiomètre à manomètre

Figure 1 : Gestion de l'irrigation par tensiomètrie

En sol plus ou moins argileux, les valeurs recherchées pour la tensiomètrie sont plus élevées et peuvent atteindre 20 à 40 cbar. Les apports d’eau sont plus important et moins fréquents : 2 à 3 mm à raison de 1 à 3 apports quotidiens.

L'Evapotranspiration

Le volume d’irrigation exprimé en mm / jour est fonction de l’EvapoTranspiration Réel (ETR) de la culture. L’ETR est déterminé en fonction du stade de la culture et de l’EvapoTranspiration Potentiel qui correspond à la quantité d’eau consommée par un gazon en pleine croissance régulièrement tondue.

ETR = k x ETP

Exemple : k = 0,8, ETP = 6 mm / jour  ;
                  ETR = 0,8 x 6 = 4,8 mm / jour*

* 1 mm = 10 m3/ha
k = 0,2 à 1,2 selon le stade de la culture

L’ETP de la région de St. Louis peut-être fournie pas la station agrométéorologique de N’Diol, située à 25 km à l’Est de St. Louis. Il évolue entre 3 et 10 mm par jour selon la période de l’année. Les coefficients k sont donnés au chapitre ferti-irrigation de chaque culture : voir le chapitre « Ferti-irrigation » Tomate sous abris,

En culture sous abris, en l’absence de vent et pour une plage de températures et d’hygrométries confortable pour la plante, l’ETPs dépend essentiellement du Rayonnement Global, tel que :

ETPs = Kp x 2,68 x RG 1000

 Exemple : RG = 2000 j / cm², Kp = 0,7  ;
                  ETPs = 0,7 x 2,68 x 2000 / 1000 = 3,75 mm*

RG = Rayonnement Global en joules / cm² ; Kp = 0,6 à 0,8

Sous abris, ETPs = 60 à 80 % de l’ETP, variable selon la densité et la propreté des filets. Cependant dès que la vitesse du vent dans l’abri dépasse 1 à 2 m/s, notamment en période d’Harmattan, l’ETPs doit être majoré.

Le bac de drainage

Constitué d’un demi fût en plastique coupé dans le sens de la longueur et placé à 40 / 50 cm sous le sommet de la butte, ou d’un bac en béton plus long, il recueil l’eau de drainage dans un sceau. Le volume drainé / le nombre de goutteurs par bac de drainage / volume d’apport d’un goutteur est exprimé en %. Pour un billon irriguée à 120 % de la dose d’apport, le drainage recherché est compris entre 20 et 25 % pour éviter une perte d’eau et d’engrais en profondeur. Le drainage doit être régulier entre 10 h et 15 h. Il peut être porté à 30 / 35 % pendant une courte période afin d’humidifier le sol en profondeur : tensiométrie élevée, période de forte demande en eau (Harmattan). Le soin apporté à l’installation est déterminant à l’obtention de mesures fiables et représentative de la parcelle.

Installation d'un bac de drainage

Contrôle des apports

Il est tout à fait déterminant de connaitre avec précision la quantité d’eau apportée quotidiennement à la culture et sa bonne répartition sur l’ensemble du réseau. Pour cela, il convient de disposer des moyens de contrôle suivant :
– volucompteur en tête de réseau : contrôle le volume réellement apporter par secteur d’arrosage  ;
– prises pression entrée et sortie des filtres : réglage éventuel de la Hauteur manométrique total (Hmt) de la pompe de reprise et contrôle de la propreté des filtres à sable et à tamis ;
– prises pression début et fin de ligne pour chaque serre : réglage et contrôle du régulateur de pression de l’électrovanne et de la présence éventuelle de fuites sur les lignes de goutteurs  ;
– pots d’apport à proximité de chaque électrovanne : contrôle le bon fonctionnement de l’électrovanne et le volume réellement apporté ;

A la mise en service d’une nouvelle installation d’irrigation par goutte à goutte, il convient d’évaluer l’homogénéité des apports au niveau de chaque parcelle. Pour cela, 16 pots sont répartis sur 4 lignes de goutteurs (1er, 2ème, 3ème et 4ème quart). L’écart de volume relevé dans les pots ne doit pas excéder à 10 %. Au delà, il convient de rechercher l’origine de cette différence et d’y remédier : vidange ou variation de débit des goutteurs en cas de pente, perte de charge trop importante dans le porte rampe ou dans les lignes de goutteurs, etc. …

L’automatisation de l’irrigation, à l’aide d’un Pyranomêtre éventuellement couplé à des sondes tensiomètrique ou capacitives permet d’assurer au plus prêt les besoins en eau des plantes, avec une grande précision. Couplé à l’usage de gaines à faible débit en sols parfaitement nivelés, les gains de rendements obtenus et les économies en eau et en engrais permettent un retour sur investissement dès la première campagne. En France, où la production de tomate d’industrie est menacée par les importations chinoises, ce système de conduite de l’irrigation a permis aux producteurs d’améliorer leurs marges.

- Amendements

L’objectif des amendements est d’enrichir le sol en humus et de redresser le pH du sol avec un objectif de 6 à 6,5. Ces amendements  jouent un rôle d’activateur biologique et facilite la disponibilité des éléments nutritifs (oligo et macroéléments). Les amendements minéraux libèrent lentement des éléments nutritifs dans la solution du sol sur plusieurs années. Les apports organiques et minéraux sont enfouis séparément à la surface des billons par un passage de rotavator. Les amendements conseillés pour les sols sableux inertes de la région de St. Louis sont les suivants  :
– 50 à 60 t/ha la 1ère année, 25 à 30 t/ha les années suivantes de composte provenant d’un mélange de déchets de cultures, de fumier de bovin ou d’ovin et de paille. Le composte est préparé au moins 5 mois avant sont épandage. Le compostage est une technique qui répond à des techniques précises : rapport C/N des constituants, broyage, aération, humidité, température, analyse bactériologique et nématodes, etc. Cette activité est confiée à du personnel formé ou à une entreprise extérieur spécialisée. Elle nécessite un équipement spécifique : broyeur, chargeur, matériel d’irrigation, rétention du purin, etc. Pour les cultures bulbes et racines, il convient d’utiliser un composte agé très bien décomposé ou de l’apporter lors de la préparation du sol du précédant culturale ou d’un engrais vert.
– 3 à 5 t/ha tous les 2 à 3 ans de calcaire broyé à 400 microns en provenance de la carrière de Bargny (région de Dakar), pour redresser le pH du sol et apporter du calcium ;
– 1 à 1,5 t/ha tous les 2 à 3 ans de phosphate tricalcique en provenance des carrières de Thies pour apporter du phosphate ;
– 1 à 1,5 t/ha tous les 2 à 3 ans de kiesérite importée pour apporter de la magnésie ;

Les amendements et les engrais phospho-potassique peuvent également enrichir le sol en minéraux afin de réduire l’emploie des engrais solubles plus couteux. Pour cette pratique, des essais avec analyses de sol et foliaires en cours de culture sont nécessaires pour adapter les apports à la nature du sol et à la culture et évaluer l’impact sur la fertilisation.

- Fertilisation

Fumure de fond

Les engrais utilisables en fumure de fond sont présentés dans le tableau suivant.

Tableau : Composition des engrais en kg pour 100 kg ou 100 l

Ferti-irrigation

Le principe de la ferti-irrigation est de fertiliser en continue la culture en utilisant des engrais solubles purs en acidifiant l’eau d’irrigation pour obtenir un pH de 5,8. Ce pH est un optimum pour assurer l’absorption de tous les éléments nutritifs. Au delà d’un pH de 6,5, certains éléments comme le phosphate ne sont pas bien assimilés par la plante. Il en est de même pour certains oligo-éléments comme le molybdène en dessous d’un pH de 5,5. La concentration en engrais de la solution fertilisante (ou solution fille) est déterminée en mesurant la conductivité électrique à l’aide d’un conductivimètre portatif selon la relation suivante :

Cf = EC x 0,85

 Exemple : EC = 2 mS / cm  ;
                 Csf = 2 x 0,85 = 1,7 g/litre*

*Cf = Concentration en engrais de la solution fille en g/litre

La conductivité des solutions fertilisantes varie généralement entre 0,8 et 2,5 mS/cm selon les cultures, leur stade de développement, la conductivité recherchée au niveau du sol et les conditions climatiques. Pour chacune des cultures, se reporter au chapitre ferti-irrigation : Tomate sous abris,

Les engrais utilisables en ferti-irrigation sont les suivants :

Tableau : Composition et solubilité des engrais en kg pour 100 kg ou 100 l

Le choix des engrais dépend de plusieurs facteurs :
– de leur disponibilité sur le marché : le nitrate de magnésie, le phosphate uréique, le MKP et le chlorure de calcium sont rarement disponible au Sénégal ;
– du type de sol : les engrais ammoniacaux sont moins efficient en sols calcaire car NH4 se transforme pour partie en NH3 volatile. Cependant le sulfate d’ammoniaque donne généralement de bons résultats en sol calcaire car il acidifie le sol ;
– de la culture : les engrais ammoniacaux ne doivent pas représenter plus de 7 à 20 % de l’apport azoté pour la plupart des cultures maraichères car le cation NH4+ est en compétition avec l’absorption des autres cations (Ket Ca++). Seul le maïs peut est fertilisé avec des engrais ammoniacaux car cette plante à faculté d’absorber directement NH4+ .

Le fer est le plus souvent apporté sous la forme de chélate de type EDTA. En sol calcaire, il convient d’utiliser du fer sous la forme EDDHA. Les chélates de fer étant sensibles à la lumière et à l’oxydation utiliser des bacs noirs ou enterrés et d’introduire le fer en dernier dans le bac B après l’arrêt de l’agitation. L’acidification éventuelle de ce bac doit être modéré afin d’éviter une libération des chélates. Si ces contraintes ne peuvent être respectées il est préférable d’injecter le fer séparément, 1 fois par semaine. Les autres oligo-éléments sont généralement apportés sous forme de sulfate. Il convient d’être vigilant sur le dosage et la composition des formulations commerciales. Les formulations contenant à la fois du fer et les autres oligo sont à éviter, sauf s’ils sont tous chélatés.

Sommaire
Notes et Références
  1. 1Milliéquivalent (meq) = poids atomique / valence de l’atome / 1000 ; Milliéquivalent par litre (meq/l) = milligramme d’un ion / valence de l’atome.
  2. 2Diminution progressive des apports d’azote à partir du stade F2 selon nouvelles préconisations Ctifl Balandran, pouvant atteindre un équilibre en azote de 5 méq/l – Source : Info Ctifl n° 201 – mai 2004 ; Diminution de l’apport de K+ en période estivale – Source Inra d’Alénya – 2001 ( diminuer l’apport de K+, jusqu’à 1 méq/l => forte baisse cul noir) et source Info Ctifl n° 201 (nouvelles préconisations = rapport K+/Ca++ au drainage de 0,5 diminuant vers 0,1 au cours du cycle).
  3. INRA, Les maladies des plantes maraichères, 3e éd.,Charles-Marie Messiaen, Dominique Blancard, Francis Rouxel, Robert Lafon, Paris(1991)
  4. INRA Alénya, Résultats de Recherche, Institut National de Recherche Agronomique, Perpignan (2001).
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