Station d'expérimentation et de formation professionnelle en agroécologie fruits et légumes

Ressources agronomiques sur les productions végétales au Sénégal

Riz - Guide du producteur

Une filière sénégalaise en crise

Le climat sahélien est particulièrement adapté à une production de qualité, avec en culture irriguée un rendement potentiel des variétés disponibles de 13 tonnes par hectare 1, et la possibilité de réaliser 2 cultures par an.
Le rendement moyen de l’ordre de 5 à 6 t/ha de riz paddy en saison sèche chaude est un dès meilleur d’Afrique après l’Egypte. Le rendement pour la 2ème campagne d’hivernage, réalisée le plus souvent dans de mauvaises conditions, est de l’ordre de 3 à 4 t/ha.
Les importations du Sénégal sont relativement stable autour de 1 100 000 t/an.

Riz irrigué de la Vallée du Fleuve Sénégal

Les surfaces cultivées dans la Vallée du Fleuve Sénégal (VFS) atteignent 70 000 ha par an, pour une production théorique de 400 000 t par an de riz paddy soit 260 000 t de riz blanc (pour approfondir ce sujet, voir l’article A la Une  « Évolution de la production et des importation de riz au Sénégal »). Le potentiel de terres cultivable est de 255 000 ha (sous réserve d’accroitre la régulation du débit du Fleuve Sénégal par de nouveaux barrages).
La pratique de deux cultures par an reste peu développée (environ 25 % des surfaces).

Depuis la libéralisation de la filière au cours des années 90, la riziculture de la vallée a certes évolué.
Les grands périmètres publics, exploités par des milliers de paysans avec des surfaces unitaires de 0,5 à 1 ha, ont montré leur limite.
Dans les années 2000, des privés se sont installés sur des rizières de quelques hectares à quelques dizaines d’hectares, quelques-uns exploitant aujourd’hui plus de 100 ha.
Le développement de la mécanisation des opérations culturales tarde cependant à se développer, du notamment à une conception des aménagements des rizières inadaptées (parcelles trop petites présentant des défauts d’horizontalité) et à une offre de formation professionnelle dans le domaine du machinisme agricole encore insuffisante (un centre de formation a ouvert en 2020 à Lampsar).
Quelques entrepreneurs et entreprises agro-industrielles ont investi dans l’usinage du riz avec des rizeries qui traitent 5 à 15 000 t de riz paddy par an. En l’absence d’une maitrise des conditions de récolte, de séchage et de stockage, la proportion de brisures en sortie-usine reste très élevée (plus de 50 %). La Compagnie Agricole de Saint-Louis (CASL) a aménagé entre 2014 et 2018 des périmètres irrigués sur 2 700 ha, comprenant des parcelles de 4 à 5 ha nivelées par guidage laser, adaptées à la mécanisation. Son unité industrielle permet de sécher, nettoyer et usiner environ 45 000 t de riz paddy par an, avec le même niveau de qualité que les meilleurs riz blancs importés d’Asie ou d’Amérique Latine. L’unité est également équipée de 20 000 t de stockage en silos métalliques ventilés. 

L’État s’est engagé dans un programme de développement de la riziculture avec un objectif d’autosuffisance en 2017, non atteint. L’environnement des affaires y est toujours aussi peu attractif, avec des régimes d’exonérations partiels et des procédures administratives chronophages. Pendant que les importations de riz sont exonérées de TVA, les producteurs locaux peuvent difficilement récupérer la TVA sur les prestations de services et l’énergie, alors que les gouvernements successifs promettent de régler cette aberration depuis 2004. Le nouveau code des impôts depuis 2013 prévoit une enfin une exonération de TVA sur le matériel agricole (précédemment la TVA était suspendue durant 3 ans). Depuis 2020, les riziculteurs et les rizeries sont également exonérés de la prime fixe sur les factures d’électricité.

Malgré ces « avantages » fiscaux, la filière riz a encore perdu de la compétitivité ces dernières années. Si l’on prend comme référence l’année 2020, l’augmentation des prix a été de 12 % sur les 10 dernières années alors que sur la même période, le prix du riz blanc a progressé de 2,5 %. Ce faible niveau de prix du riz blanc au Sénégal, le plus faible d’Afrique de l’Ouest, vient des habitudes alimentaires dominées par la brisure de riz, qui représentent plus de 95 % des importations. Cette brisure provient majoritairement de pays asiatiques (Inde, Thaïlande, Pakistan) et du Brésil qui subventionnent très fortement leurs producteurs qui disposent de couts de production bien plus faibles (intrants agricoles, énergie, mécanisation …). Certains pays comme l’Inde, pratique du dumping, en subventionnant le exportations pour écouler les stocks avant les nouvelles récoltes. Les rizeries ne peuvent être compétitive qu’à la condition de produire au moins 80 % de riz long grains entier, dont les cours mondiaux sont au moins 20 % supérieurs à la brisure de riz, un produit déclassé, destiné à l’aliment du bétail, à l’industrie de transformation ou exporté en Afrique de l’Ouest (Sénégal et Mauritanie pour la catégorie 100 % brisure). Afin de se protéger de cette concurrence déloyale, les organisations de producteurs et les bailleurs de fonds préconisent une élévation des droits de douane de la CEDEAO de 10 % pour les porter à 35 %. Malheureusement pour ses producteurs, le Sénégal est l’un des rares pays à mettre son véto à cette proposition depuis 2008. Entre une politique agricole incitative et une politique sociale d’un cout de la vie pas chère, la priorité est donnée à cette dernière. Il en résulte aujourd’hui que :

  • Le pouvoir d’achat des urbains au Sénégal est 4 fois supérieur au pouvoir d’achat des ruraux.
  • Les rizeries de la vallée sont pratiquement toutes au bord de la faillite.
  • Les riziculteurs réclament en vain des prix du paddy plus rémunérateurs aux rizeries.
  • Les surfaces emblavées depuis 2019 sont en baisse de l’ordre de 20 %.

Les rendements sont également fortement impactés par les oiseaux granivores (Quelea Quelea ou mange mil), avec une perte de rendement de 15 à 20 % à chaque récolte. Il s’agit de nuages de centaines de milliers d’individus qui s’abattent sur les récoltes. Les écologiques préconisent l’utilisation de méthodes alternatives qui ont toutes étaient testées par la CASL, sans résultats probants (bazooka, cries de rapaces diffusés par véhicules, cerf-volant en forme de rapace, filets japonais, pulvérisation de répulsifs à base de piment et d’ail …). L’utilisation de fusils de chasse permet de déloger les oiseaux des parcelles lorsque la pression est faible uniquement. La seule méthode efficace consiste à épandre un avicide sur des dortoirs de 5 à 30 ha, au lever du jour, à l’aide d’un hélicoptère, au moins 3 fois par an. L’expérience de la DPV en utilisant l’hélicoptère de la CASL a montré que le traitement des 5 à 10 principaux dortoirs du delta permet de réduire d’environ 80 % la pression aviaire, en utilisant très peu de produit avicide. Depuis juillet 2021, l’armée de l’air sénégalaise dispose d’un hélicoptère pour réaliser ces interventions. L’on peut espérer que ce fléau sera à présent maitrisé.

En l’absence de réforme foncière et de plan cadastral, l’accès à la terre est ardu dans le delta et quasi impossible dans la moyenne vallée du fait d’une noblesse dont la légitimité traditionnelle est basée sur sa main mise sur le foncier. Par contre, la région de Matam commence à s’ouvrir à l’agriculture moderne.

La filière souffre donc d’un sous-investissement chronique, d’un manque de personnel qualifié et de cout des facteurs de production plus élevés que dans la plupart des pays asiatiques notamment pour les entreprises produisant pour le marché local. Les entreprises assurant plus de 80 % de leur chiffre d’affaires à l’exportation disposent par contre encore pour quelques années d’un statut d’entreprise franche d’exportation attractif. L’exportation du riz produit au Sénégal n’est cependant pas autorisée.

Ce « Guide du producteur » est destiné aux riziculteurs soucieux d’améliorer leur compétitivité,
aux étudiants désireux de maitriser les techniques rizicoles et de gestion des exploitations agricoles,
et à tous les intervenants de la filière riz dans les pays de la sous-région.

Sommaire

Partie 1 : La culture

Partie 2 : L'exploitation

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